Bien sûr on peut parler d’équipements, de technique… mais, à la base, c’est quoi la photo ? Pourquoi appuyons-nous sur le déclencheur ? Y a-t-il des recettes toutes prêtes pour faire de belles photos ?

Rien de tel pour apporter des éléments de réponse que les témoignages et conseils de références en matière de photographie, à savoir les sociétaires de l’incontournable agence Magnum, laquelle m’a très aimablement donné l’autorisation de traduire et reproduire le billet suivant.

J’ai vécu de passionnants moments en compagnie de ces photographes de talent, je suis sûr qu’il en sera de même pour chacun d’entre vous, car même si nous n’avons pas vocation à devenir des professionnels, ces témoignages et les photos qui les accompagnent peuvent nous aider à développer notre approche de la photographie et donc à y prendre encore plus de plaisir !

Merci encore à l’agence Magnum.

Nota : pour ceux d’entre vous qui auraient souhaité lire le billet original en anglais qui datait de novembre 2008, j’avais prévu d’inclure le lien adequat, mais l’agence Magnum a reconstruit son site et l’article a disparu – too bad !

Traduction proposée par votre serviteur.

Enjoy !!!

 

Introduction par Alec Soth.

« Un conseil aux photographes débutants : achetez une bonne paire de chaussures.

Photo © David Seymour / Magnum Photos

Aujourd’hui, je suis à San Francisco pour une conférence à l’Association pour l’Education Photographique. Lorsque j’aurai présenté mes photos et raconté comment je suis devenu photographe, on me demandera probablement si j’ai des conseils à donner à de jeunes photographes. Au-delà de ma contribution personnelle, j’ai pensé qu’il pourrait être sympa d’y ajouter celle de mes collègues photographes de l’agence Magnum. Je les ai interrogés par courriel et j’ai reçu 35 réponses. »

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AUTRICHE. Vienne 1948. Le cuir est une denrée rare et, dans les familles, les enfants portent les mêmes chaussures à tour de rôle. Pour remédier à ce problème, la Croix-Rouge suédoise a mis en place un atelier équipé de machines importées de Suède et approvisionné par des cuirs venant de l'étranger. L'atelier est en mesure de réparer quotidiennement 200 paires de chaussures pour enfants, ce qui est loin de satisfaire aux besoins. Devant une telle situation, les assistants sociaux de la Ville sont amenés à distribuer des bons de réparation et seules les personnes prioritaires peuvent avoir accès à l'atelier.
 
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MALI. 1994. Bakodjikorone. Enfants imitant le photographe.

Abbas

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Dès la naissance.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Achetez une bonne paire de chaussures… et tombez amoureux.

 

Alec Soth

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

J’ai passé le plus clair de mon enfance à jouer avec des amis imaginaires dans les bois. On ne pouvait pas appeler cela de l’art, mais cela a développé ma créativité. Il n’en était pas de même dans la vraie vie. J’étais un adolescent timide et emprunté. Dans mon avant-dernière année de lycée, j’ai eu un professeur d’arts plastiques, Bill Hardy, qui m’a permis de reprendre contact avec la forêt de mon enfance. Je me suis mis à la sculpture à partir de matériaux divers ramassés dans la nature, ouvrages que j’accompagnais de photographies. Au bout d’un moment, j’ai cependant réalisé que je retirais beaucoup plus de plaisir à trouver des photos qu’à réaliser des sculptures.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Essayez-vous à tous les styles. Le photojournalisme, la mode, le portrait, le nu… Ce n’est qu’en essayant que vous découvrirez ce qui vous intéresse. Pendant des vacances d’été à l’université, j’ai eu l’occasion de travailler pour un photographe d’objets appartenant à la communauté des Nouveaux Chrétiens. A longueur de journée, nous faisions des photos de chaussettes en écoutant une station de radio chrétienne. Ceci me permit de réaliser que je n’étais intéressé ni par la photographie de studio, ni par l’Eglise des Nouveaux Chrétiens. Une autre année, j’ai travaillé pour un groupe de journaux de banlieue et fus surpris de constater que j’aimais bien être envoyé en mission. Il est important de prendre du plaisir. Vous devez aimer le métier et le sujet. Si le sujet ne vous intéresse pas ou que vous n’en retirez pas de plaisir, cela se verra dans vos photos. Si au fond de vous-même vous avez envie de prendre des photos de chats, alors prenez des photos de chats.

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USA. Winona, Minnesota. 2002. La cabane flottante de Peter.
 
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Italie. Cesura, Emilie Romagne. 2005. Daria.

Alex Majoli

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Je ne sais pas quand ça m’a pris, mais je me souviens comme si c’était hier de la première photo que j’ai prise alors que j’avais 11 ans (2 hommes marchant dans le port de Ravenne). Je me souviens en particulier avoir été fasciné par les éléments techniques de l’appareil photo que mon père m’avait prêté pour la journée… un Kodak Retinette.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Je conseillerais de lire beaucoup et d’éviter autant que possible de regarder ce que font les autres photographes. Travaillez tous les jours, même en dehors de toute mission ou incitation financière, travaillez, travaillez, travaillez avec discipline vis-à-vis de vous-même, en faisant abstraction de commanditaires ou de récompenses. Et aussi, entrez en collaboration avec des professionnels qui ne sont pas nécessairement des photographes, mais des personnes que vous admirez. L’essentiel pour apprendre, c’est de participer à quelque chose !

 

Alex Webb

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Je n’ai pas souvenir d’un déclenchement de passion pour la photographie à l’occasion de ma deuxième année d’études secondaires, bien que j’aie tout jeune approché la technique photographique avec mon père. Je m’étais amusé à monter des films (très mauvais), utilisant mes amis et ma famille comme acteurs, et réalisai très vite que je n’aimais pas travailler avec d’autres personnes. Je voulais simplement travailler seul. J’ai commencé à faire de la photo dans les rues de Brattelboro dans le Vermont, près de l’école que je fréquentais, et à Boston où ma famille résidait. J’ai découvert la photo dans la rue et je ne l’ai jamais quittée.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Faites de la photo parce que vous aimez ça, parce que vous en sentez une impérieuse nécessité, parce que la principale satisfaction sera le fait de faire de la photo. D’autres satisfactions – la notoriété, le retour financier – sont rares et fugaces. Et si vous rencontrez le succès, il y aura inévitablement des périodes de traversée du désert, avec de faibles revenus, voire les deux à la fois. Il y a en effet de nombreuses autres voies plus évidentes pour gagner sa vie. Considérez la photographie comme une passion, pas comme une carrière.

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USA - 1976 - Missisipi. Mound Bayou. Membres de la communauté dans leur maison.
 
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Les aventures de Guille et Belinda et la signification énigmatique de leurs rêves.

Alessandra Sanguinetti

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

C’est vers l’âge de 9-10 ans et au travers de quelques livres rangés à ma hauteur dans la bibliothèque de ma mère (que ma mère avait placés sur la première étagère – dans le bas – de sa bibliothèque) qu’a eu lieu mon premier contact avec la photographie. Des livres de Dorothée Lange, Chim, Lartigue, ainsi que « The Family of Man », « The Best of Life » (vers 1978..?) et “Wisconsin Death Trip”.

Tous me fascinaient et leurs images m’ont accompagnée toute ma vie, comme le phénomène d’imprégnation chez les palmipèdes, qui considèrent définitivement comme leur mère tout objet ou individu près d’eux à la naissance. La photo de Chim de la petite fille polonaise – qui devait probablement avoir mon âge – qui avait grandi dans un camp de concentration et dessinant sa maison, la « Mère Migrante » de Dorothea Lange, le livre « The Best of Life » ont tous eu sur moi un impact énorme. Je me souviens, comme si c’était hier, du plaisir que j’avais à voir et revoir les photos prises par Avedon de Marylin Monroë, posant dans différents rôles de films, n’ayant à l’époque aucune idée qui pouvaient être Avedon et Marylin. Les photographies de guerre, en particulier les photos de la guerre du Viet-Nam de McCullin étaient incrustées dans ma tête, bien que je n’aie aucune notion de ce qu’était la politique. Il y avait une page (http://blog.magnumphotos.com/images/best_of_life.jpg ) de photographies du livre « Best of Life » dont je me souviens particulièrement. La rangée/ligne du haut montre la photographie comme témoignage du temps qui passe, du changement, la ligne du milieu montre les effets de la vitesse sur le visage d’un homme – rendant l’invisible visible et étrange… tandis que la ligne du bas n’est que jeu et fantaisie. Je pense que cette page fut ma première leçon de photographie, montrant comment tout est possible avec un appareil photo. On peut décrire le monde, on peut l’inventer, il ne semble pas y avoir de limites : la photo d’un ananas jouant du violoncelle en est un parfait exemple. C’est le « Wisconsin Death Trip » qui m’a fait prendre conscience de la mort et de son caractère inéluctable. Ma réaction d’auto-défense fut très basique : photographier tout ce qui était important à mes yeux afin d’en figer l’existence et pour qu’on en aie encore connaissance dans cent ans. C’est à cette époque que j’ai obtenu mon premier appareil photo.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

J’aurais moi-même bien besoin de conseils… mais ce sont des paroles de Bob Dylan qui me viennent spontanément à l’esprit : « gardez votre bon sens et soyez vous-même ».

 

Bruce Gilden

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

En 1966, quand j’ai tiré ma première photographie et que je l’ai vue sortir du révélateur, c’est vraiment ce qui m’a donné le virus… C’était la photo d’un gentil petit écureuil !

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Mon conseil : « Soyez vous-même ! »

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USA. New York. 1986.
 
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Inde. Bombay. © Carl De Keyzer - MAGNUM Livre "India" 1987.

Carl De Keyzer

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

A l’âge de 14 ans quand j’ai développé mon premier film et que j’ai tiré ma première photo à l’aide d’un agrandisseur Agfa de 1922 appartenant à mon oncle et avec l’aide d’un voisin qui apporta le savoir-faire et les ingrédients indispensables (l’oncle en question était un chimiste bricoleur de génie qui fabriquait des fusées pour le plaisir). Ma première photo représentait mon chien boxer Blacky. Ce fut un des moments les plus magiques de ma vie.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Donnez vous à fond pendant 5 ans pour voir si vous avez l’étoffe d’un photographe. Trop de personnes douées abandonnent trop rapidement ; cette sorte de trou noir qui apparaît à l’issue des années d’études pendant lesquelles on est protégé de l’extérieur est certainement la première source d’échecs de talents potentiels.

 

Christopher Anderson

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Mon premier souvenir lié à la photographie fut la photo d’Henri Cartier-Bresson « le moment décisif » dans un magazine (photo d’un homme figé en l’air en train d’enjamber une flaque d’eau) alors que j’avais 9 ou 10 ans. Je n’avais aucune idée du nom du photographe ni conscience de la présence d’un lien entre le photographe et la photo. J’étais juste attiré par l’image elle-même. Je me souviens d’ailleurs m’être interrogé sur mon attirance pour cette photo, sans pouvoir apporter de réponse. Toujours est-il que je découpai l’image et l’insérai comme pochette de la boîte d’une cassette audio sur laquelle j’avais enregistré mes chansons favorites.

Il y a eu d’autres moments clés, comme, par exemple, la découverte d’un livre de Leonard Freed dans une braderie. Au lycée, j’avais des jobs d’été, ce qui me permit de m’acheter un appareil photo quand j’eus mes examens. Pendant les années suivantes, la photographie devint un passe-temps que je pratiquais tout seul dans mon coin. Je n’avais pas la notion de « photographe ». Je n’avais aucune idée de ce qu’était le photojournalisme, l’art ou autre chose de ce genre. Je prenais simplement du plaisir à faire des photos. Si j’avais quelque part l’idée d’en faire mon métier, c’était au moins aussi éloigné que de dire « quand je serai grand, je veux être une rock star ». Ce n’est que lorsque je fus devenu photographe professionnel (ce qui arriva tout à fait par hasard et dont je vous épargnerai les détails) qu’il m’apparut qu’il y avait des gens qui gagnaient leur vie en faisant des photos. Je ne m’étais jamais posé la question de savoir pourquoi je prenais des photos, quel pouvait être le rôle de la photographie ou quel type de photographe j’envisageais d’être, quand, sans m’en rendre compte, j’étais devenu un photojournaliste professionnel. Ce n’est qu’au bout d’une dizaine d’années de pratique professionnelle que j’ai commencé à me poser ces questions.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Oubliez l’idée de faire de la photographie un métier. Commencez d’abord par prendre des photos et peut-être deviendrez vous un jour professionnel. N’imaginez pas que vous allez pouvoir rapidement payer votre loyer avec vos photos. Jimi Hendrix n’envisagea pas une carrière de musicien avant d’avoir appris à jouer de la guitare. Il aimait simplement la musique, inventa quelque chose de beau et ce n’est qu’ensuite qu’il en fit son métier. Autre exemple, Larry Towell ne devint photographe « professionnel » qu’après avoir atteint la célébrité. Prenez les photos que vous ressentez et cela vous ouvrira peut-être une carrière. Par contre, si vous essayez d’emblée de faire carrière, vous ne ferez que des photos insignifiantes qui ne vous feront même pas plaisir.

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VENEZUELA. Caracas. 2006. Reflêt dans une vitre à Altamira.
 
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GB. Irlande du Nord. Quartier Belfast Ouest. Devant les immeubles de Divis. 1978.

Chris Steele-Perkins

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Je n’ai jamais été touché par un électrochoc quelconque. Le phénomène s’est simplement imposé à moi au fil du temps. A l’école, la photo était un passe-temps, puis j’ai développé les aspects techniques à l’époque où je faisais les photos pour le journal de l’université et c’est toujours resté un passe-temps. Quelque chose dont je peux retirer du plaisir. Le magazine Creative Camera, dirigé par Bill Jay (ça remonte un peu…), le magazine Life et certains de livres publiés à l’époque par des photographes tels que Bill Brandt, Ansel Adams, Richard Avedon, Cartier Bresson et André Kertez, pour ne citer qu’eux, m’ont permis de réaliser qu’on peut exprimer quelque chose au travers de la photographie, que l’on peut avoir sa propre opinion sur le monde et, d’une certaine façon, l’exprimer au travers des photos que l’on prend.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

  1. Surtout ne pensez pas qu’il soit facile de faire de la photographie. C’est comme la poésie : s’il est facile d’écrire des vers, ça n’en fait pas pour autant un bon poème.

  2. Etudiez la photographie, voyez ce qu’on fait les autres pour apprendre mais sans vouloir leur ressembler d’un point de vue photographique.

  3. Photographiez ce que vous aimez, ce qui vous intéresse, et pas ce que vous avez l’impression que vous devriez photographier.

  4. Photographiez d’une façon qui vous semble opportune, pas d’une façon qui vous semblerait imposée.

  5. Soyez réceptifs à la critique, cela peut vous aider, mais conservez vos valeurs fondamentales.

  6. Etudier la théorie est utile mais c’est en faisant qu’on apprend. Prenez des photos, des tonnes, jusqu’à saturation, prenez-en encore plus, affûtez vos compétences, ouvrez-vous au monde et allez à la rencontre des autres.

 

Constantine Manos

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

La photographie a vraiment commencé à me passionner quand à 13 ans je me suis inscrit au club photo de l’école.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Evitez de prendre des photos qui montrent simplement les choses telles qu’elles sont. Au contraire, regroupez les éléments de l’image dans un cadre d’une façon telle que cela montre quelque chose que nous n’avons jamais vu et que nous ne reverrons jamais. Souvenez-vous que saisir un instant précis rend l’image encore plus unique dans le cours du temps. Participez à des stages animés par des photographes que vous admirez, tout en vous assurant auparavant qu’ils sont aussi bons pédagogues que bons photographes. Prendre des bonnes photos est facile. Faire de très bonnes photos est difficile. Réaliser des photos sublimes est pratiquement impossible.

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USA. 1952. Caroline du Sud. Daufuskie Island. Des hommes prient dans une église.
 
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BRESIL. Rio de Janeiro. 2011.

David Alan Harvey

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

J’ai eu le coup de foudre à 12 ans. Un jour, j’ai été touché et il n’y a jamais eu de retour en arrière. Je le SAVAIS déjà – de manière irréversible. Je vivais dans une petite ville de Virginie et mes « influences extérieures » provenaient de livres et magazines. Les premiers reportages photographiques des magazines Life et Look eurent un réel impact, en particulier les travaux de Robert Frank et Henri Cartier-Bresson. Leurs photos montraient en effet que la « vie de tous les jours » était leur « pain quotidien ». J’appréciais aussi les travaux d’autres photographes, mais les photographes de guerre avaient besoin de guerres, les photographes de mode avaient besoin de modèles, les photographes de sport avaient besoin d’évènements sportifs et les photographes de paysages avaient besoin du Grand Canyon… tandis que Cartier-Bresson et Frank n’avaient besoin que d’un coin de rue. N’importe où, n’importe quand. Et ça, ça me parlait, parce que je n’avais à ma disposition que mon environnement dans lequel il ne se passait pas grand’chose. J’ai immédiatement trouvé génial l’idée de pouvoir transformer l’ordinaire en extraordinaire juste et simplement en regardant autour de moi. Pendant ce temps, à la bibliothèque municipale, je m’immergeais dans les impressionnistes français, Goya et la lumière du Caravage. Il n’en fallait pas plus à l’époque pour que je sache sans l’ombre d’un doute ce que je voulais faire de ma vie.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Vous devez avoir QUELQUE CHOSE A DIRE. Vous devez absolument l’intégrer. Pensez à l’histoire, la politique, la science, la littérature, la musique, le cinéma, l’anthropologie. Quelles sont les interférences entre ces disciplines ? Qu’est ce qui fait réagir l’Homme ? A notre époque, avec la possibilité pour tout un chacun de réaliser des photos techniquement parfaites avec un téléphone portable, vous devez avoir une démarche d’auteur. Tout tourne autour de la notion d’auteur, d’auteur et d’auteur. De nombreux photographes débutants viennent me voir avec pour motivation de « parcourir le monde » ou de « se faire un nom dans le métier ». Pour moi, ils sont à côté de la plaque. Ces éléments ne sont que des hasards collatéraux, voire des inconvénients pour le photographe. De nos jours, à moins d’avoir des idées affirmées, des pensées profondes, des sentiments et quelque chose de presque « littéraire » pour participer à « l’échange », tout photographe disparaîtra dans un océan de médiocrité. La photographie est devenue un langage. Et pour tout langage, il est nécessaire de connaître l’orthographe et de savoir faire une phrase grammaticalement correcte. Mais le plus important pour les jeunes photographes est d’être des « forgerons visuels » animés d’un/s’appuyant sur un/ impératif affirmé didactique ou ésotérique. Soyez un poète et non un « écrivain technique ». Plus simplement, trouvez un projet personnel qui vous tienne à cœur. Donnez-vous vous-même la mission que vous rêvez de vous voir confier. Et en toutes circonstances, souvenez-vous que c’est vous et vous seuls qui maîtrisez votre destin. Croyez le, soyez en persuadés et faite le savoir.

 

Donovan Wylie

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Ma passion pour la photographie a débuté dès ma jeunesse.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Prenez constamment du plaisir. Ne recherchez pas systématiquement les photos, mais soyez toujours en éveil et laissez vous stimuler par ce que vous rencontrez. Donnez vous un but… un livre, une exposition… et par-dessus tout travaillez pour découvrir votre voie, vos sujets et votre implication. Acceptez le fait que votre travail est le reflet de votre personnalité plus que ce que vous montrez, essayez de réaliser cet équilibre sans nécessairement photographier vos pieds ! Autrement dit, essayez de traduire votre expérience personnelle en expérience collective, c’est tout à fait possible et cela représente à mon avis la quête ultime de toute expression artistique… (étudiez le livre « Waffenruhe » de Michael Schmidt) – prenez plaisir à étudier tous les grands photographes, commencez aux origines, allez chercher les premiers photographes américains, allemands, français, analysez les artistes utilisant la photographie dans les années 60, Rusha et les autres… Ne vous enfermez pas dans la théorie, respectez la, lisez ce qu’a écrit Robert Adams sur la photographie, dévorez tout ce qu’il a écrit et vous apprendrez énormément. Approchez la littérature, en particulier les écrivains russes et français, les Américains modernes, les Irlandais aussi (Joyce). Appréhendez le parcours artistique de la littérature en matière de description et de représentation, qui est très proche de celui de la photographie. Ne vous appuyez pas sur le style en tant que tel. Si vous avez votre propre thème, vous pouvez adopter le style d’autres photographes si cela peut vous aider, ou, à l’inverse, si vous photographiez quelque chose de déjà vu, alors adoptez un style, une approche qui vous soient propres et, au final, vous arriverez à tout concilier, votre style apparaîtra, mais tout cette démarche prend du temps. Etudiez le livre « How you look at it »… Des textes de références vous aideront. Soyez et restez honnête avec vous-même… L’idée de devenir photographe professionnel est-elle plus importante que la photographie elle-même ? Est-ce une vraie réflexion pour devenir un acteur ???????? En tous cas, si la photographie est vraiment votre passion, accrochez vous. Intégrez et appréciez le fait que la photographie est un moyen d’expression unique. Respectez et travaillez en acceptant les limites de la photographie et vous irez encore plus loin.

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G.B. Irlande du Nord. Belfast. 1984.
 
Magnum JeanClaudeM jcm-photo
G.B. Angleterre. Londres. Scène de rue dans le quartier de Soho dans le centre de Londres. Des enfants jouent dans la cour d'un bloc de HLM. (L'une des premières photos prises par David Hurn. Photo prise avec un appareil Kodak Retina à soufflet.) 1955.

David Hurn

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Ma passion pour la photographie a débuté le jour où j’ai eu un appareil photo entre les mains, mais il m’a fallu attendre d’avoir 20 ans. J’ai tout à coup réalisé que j’avais une bonne raison pour être n’importe où et pour observer avec émerveillement ; l’appareil photo me permettait de cacher ma timidité. Le fait de viser quelqu’un avec un appareil photo est quelque chose d’impressionnant – pouvoir cependant expliquer ce qui se déroule devant vous peut procurer un immense plaisir. J’ai eu une vie pleine de bonheur.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Ne devenez pas photographe à moins de le ressentir comme inévitable. La voie est difficile. Si vous devenez photographe, vous devrez beaucoup marcher, alors prévoyez une bonne paire de chaussures.

 

Dennis Stock

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

J’ai été attiré par la photographie à l’âge de 18 ans, puis, bénéficiant du programme de soutien aux vétérans de la Seconde Guerre Mondiale, j’ai suivi un cours avec Bernice Abbott. Elle m’envoya chez W. Eugene Smith, lequel me suggéra d’aller chercher du travail auprès de Gjon Milli. Je passai 4 ans en apprentissage chez Milli et remportai le 1er prix du concours des Jeunes Photographes du magazine Life. Après mon départ de chez Milli, je fus invité par Robert Capa à intégrer l’agence Magnum et servis de modèle pour la célèbre photo d’Andreas Feiniger « le photojournaliste ».

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Les photographes débutants devraient apprendre le métier avec application et ne pas espérer gagner leur vie de façon régulière. Mais il leur faut SUIVRE LEUR PLAISIR. Trouver le temps d’investiguer des sujets témoignant de leurs préoccupations, quelles qu’elles soient. Quoiqu’il en soit, toute photo doit avoir un sens.

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USA. 1968. Californie. "Le voyage de Californie." Bord de mer San Diego.
 
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USA. Californie. 2004. Deux jeunes yougoslaves arrivées en Amérique en passant par Londres.

Eli Reed

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Ma passion pour la photographie remonte à l’âge de 10 ans quand j’eu sous les yeux une photo de ma maman devant le sapin de Noël prise avec un Brownie Kodak. Ce fut ma toute première photo. Malheureusement ma maman nous quitta pour toujours deux ans plus tard. Je me mis alors à parcourir des magazines tels que Life et c’est ainsi que tout a démarré. J’avais vu des reportages photo sur le mouvement pour les Droits du Citoyen et j’avais l’impression d’y participer.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Quand vous tenez votre appareil photo, oubliez la théorie et n’exagérez pas ce que vous voyez. Mettez de côté votre ego et laissez le photographe entrer en vous. Observez la vie qui coule comme une rivière autour de vous et imaginez que les photos que vous prenez pourraient un jour devenir des témoignages de l’histoire collective de votre époque.

 

Elliott Erwit

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Dès que j’ai pu entrevoir la possibilité de gagner ma vie sans avoir un emploi fixe, c’est-à-dire avec un statut d’indépendant.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Apprenez le métier – ce qui n’est pas difficile. Etudiez avec attention les œuvres des photographes et des peintres classiques. Regardez et apprenez à partir de films. Etudiez votre positionnement en tant que photographe « commercial », ce qui signifie travailler pour les autres et livrer un produit fini à partir d’une commande. Mais en toutes circonstances, séparez votre travail professionnel de votre passion. Si vous êtes un très bon professionnel, il se peut que vous réussissiez.

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ARGENTINE. 2001. Péninsule de Valdes.
 

Lise Sarfati

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

A 13 ans. Annie-Lou, ma sœur, prenait des photos de moi à longueur de temps, pendant que mon père faisait des films, pendant que Mona, mon autre sœur, me peignait dans ma nudité, pendant que ma mère passait des journées dans son lit à écrire. C’est alors que j’ai décidé « d’emprunter » l’appareil de Annie-Lou et d’aller faire des portraits de vieilles dames de 90 ans dans leurs appartements et de photographier leurs chambres vides…

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Lisez beaucoup et créez votre propre univers. Apprenez à créer et construire des séries. Ne soyez pas impressionnés par les travaux des autres. Essayez d’innover ou simplement d’être vous-mêmes.

 

Martine Franck

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

La photographie m’a passionnée pour la première fois quand j’obtins, en tant que doctorante, un visa pour la Chine. C’était la première fois que je me rendais en Asie et bien que n’y connaissant rien en matière de photographie, je me suis dit que ça serait bien de montrer à mes parents et amis ce que j’avais vu. Et c’était parti !

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Mon conseil aux jeunes photographes est d’aller sur le terrain et de prendre des photos et, s’ils sont étudiants, de finir leurs études, d’apprendre le plus de langues possible, d’aller au cinéma, de lire, de visiter les musées pour s’ouvrir l’esprit.

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FRANCE. Clamart. Bibliothèque pour enfants. Conçue par l'"Atelier de Montrouge": Jean Renaudie, Pierre Riboulet, Gerard Thurnauer et Jean-Louis Veret. Ile de France. Hauts de Seine.
 
Magnum JeanClaudeM jcm-photo
G.B. 1969. Extraits de programmes télé de la BBC.

Harry Gruyaert

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Quand j’ai eu mon premier Rolleiflex à l’âge de 14 ans.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Soyez vous-même. Ne copiez personne.

 

Hiroji Kubota

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Au cours de l’année 1961, j’obtins une sorte de boulot d’assistant auprès de Elliott Erwitt, alors que j’étudiais les sciences politiques à l’université. Elliott me fit expédier en cadeau le livre de Cartier-Bresson « Le Moment Décisif ». Je n’avais aucune idée de ce qu’était la photographie mais ce livre changea ma vie.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Etudiez les œuvres des grands photographes comme Henri Cartier-Bresson et Andre Kertesz. Essayez de voyager dans le monde entier et de comprendre les diversités de notre environnement.

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USA. Washington, D.C. 1963. Des manifestants protestent en chantant devant le Washington Monument.
 

John Vink

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

A l’âge de 12 ans quand j’ai vu l’image apparaître dans le révélateur : magique ! C’est la SEULE chose qui me manque avec le numérique.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

N’ayez de cesse de vous remettre en question (ça vous rendra moins arrogant). Poussez, poussez, grattez, creusez… Poussez encore… Et arrêtez si vous n’y trouvez plus de plaisir… Mais surtout respectez les personnes que vous photographiez…

 

Jonas Bendiksen

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Je me suis mis à la photographie vers 14-15 ans. J’avais emprunté le reflex de mon père et très vite je fus conquis. Avec mon père, nous avions installé un labo noir et blanc rudimentaire dans la salle de bains, où j’ai passé de plus en plus de temps pendant les années de lycée. Je photographiais tout ce qui m’entourait, je développais, je tirais et je retournais faire d’autres photos. A la fin de mes études je me suis dit : OK, on fait quoi maintenant ? Je continue ou je cherche autre chose ?

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Jetez vous dans le vide. Au figuré bien sûr ! La photographie est un langage. Réfléchissez à la façon dont vous voulez l’utiliser pour dire ce que vous avez à dire. Qu’est-ce qui vous intéresse ? Quelles questions voulez-vous poser ? Puis, foncez et lancez vous à parler de ce sujet au travers de la photographie. Faites-en la base de votre travail.

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BANGLADESH. Asulia. 2010. Dans une zone inondée de production de briques dans les environs de Dhaka, des ouvriers remontent des briques du fond de l'eau.
 
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CANADA. 1995. Comté de Lambton, Ontario. Album de famille.

Larry Towell

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Ma mère me donna son ancien Brownie quand j’avais 13 ans. Elle l’avait elle-même acheté pour 6$ avec son argent de poche quand elle avait 13 ans. Et je me suis mis à prendre des photos de mes 7 frères et sœurs parce que c’était ce qui constituait mon univers. La photographie n’était pas encore une passion. C’était simplement un outil. Puis à l’université, on me donna un Pentax 35mm et j’appris le traitement des films noir et blanc. Je n’avais d’autre envie que de rentrer à la maison pour photographier ma famille. Je vivais à la ville mais j’avais besoin de me souvenir que j’appartenais à la campagne. On ne parlait toujours que d’outil. La photographie n’est réellement devenue une passion que lorsque j’ai commencé à rencontrer des victimes d’abus des droits de l’homme en Amérique Centrale pendant les années Reagan. Mon appareil photo me permettait de partager la vie des autres, de déambuler dans leur monde, de partager leurs horizons. C’est vraiment ce qui a déclenché ma passion.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Soyez vous-même et regardez autour de vous.

 

Mark Power

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Mon grand-père fit l’acquisition de mon premier appareil photo grâce à des bons de fidélité, alors que j’avais 8 ans. La première sortie eut lieu à l’occasion d’une promenade de classe lors d’une visite des écluses de Foxton, situées sur le superbe Grand Union Canal dans le Leicestershire, dans la région anglaise des Midlands. Ma première photo fut celle de ma maîtresse, Miss Allen, en 1967. La photo n’est pas particulièrement flatteuse, ni ne témoigne de la révélation d’un futur grand talent.

Mais là n’est pas le sujet… Le choix de Miss Allen (comme premier sujet) était en réalité un appel au secours, un pacte entre nous deux pour qu’elle prenne soin de moi. Mais ça ne fonctionna pas. Craig Smalley (la brute de l’école) avait repéré mon appareil photo et, à partir de cet instant, toutes les photos que je prenais devaient être de lui et rien que de lui.

Je me demande si je pourrais encore remettre la main sur ces photos ? car je devais effectivement toutes les lui remettre après les avoir récupérées à la droguerie du coin ou autre endroit où mes parents avaient mis le film à développer. J’en fis part à mon grand-père et dus lui expliquer pourquoi je n’avais qu’une photo à lui montrer. Je suppose qu’il en fit part à mes parents car la menace du « Smalley » en question s’estompa. Et mon idée de refaire la visite à l’aide des 12 photos fut un échec et n’en fut que d’autant moins réelle.

Ainsi la photographie se révéla-t-elle immédiatement comme étant hors d’atteinte, précieuse, stimulante et désirable.

Ce n’était en tous cas pas quelque chose qui allait de soi et ça n’est toujours pas le cas. Pendant cette enfance anxieuse et douloureusement empreinte de timidité, je pris un soin tout particulier à légender et répertorier toutes mes photos. J’imagine qu’aujourd’hui elles sont enfouies quelque part dans le grenier de mon père, dans l’attente d’être redécouvertes dans un douloureux mais inévitable futur.

Et puis, un certain nombre d’années plus tard… je me souviens très bien, en 1980, avoir vu une exposition du reporter de guerre, Don McCullin au Victoria and Albert Museum à Londres . Ses photos m’ont profondément touché – il faudrait être de pierre pour ne pas l’être – et je ne fus pas le seul. Les visiteurs avaient du mal à contenir leur émotion. A l’époque, j’étais en 3ème année aux beaux-arts et, à ce stade, n’ayant que peu manifesté d’intérêt pour la photographie. Mais soudain, pour un jeune homme habitué à travailler tous les jours en atelier, tentant d’arracher une parcelle d’émotion à partir d’un fusain, d’un Canson et d’un modèle nu, les travaux de McCullin furent une révélation. Je savais que Mark Rothko pouvait générer de l’émotion, à condition d’être réceptif et d’être prêt à consacrer le temps nécessaire à ses tableaux, mais ça – ces photographies – c’était de la puissance à l’état brut. Elles étaient chargées de communication. J’aimais leur caractère démocratique.

C’est ainsi que j’ai décidé de devenir photographe, sans pour autant avoir la moindre idée de la façon dont j’allais y parvenir.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Bien qu’il y ait de nos jours sensiblement plus de personnes à vouloir devenir « photographes » qu’à cette époque excitante des années 1980, il y a également beaucoup plus d’opportunités. L’époque est heureusement révolue quand une mission commerciale, voire une photo dans un journal, pouvait anéantir une exposition en galerie/ ruiner ses chances d’exposer en galerie.

Il est cependant évident que produire des « bonnes photos » n’est plus suffisant ; aujourd’hui, il faut apporter des idées et donner du sens. Si vous avez quelque chose à dire, voir encore mieux si vous avez une approche originale pour le dire, alors les opportunités sont nombreuses.

J’ai le sentiment que la photographie est en train de revenir à la réalité. A une certaine époque, la plupart des photographies fonctionnaient par elles-mêmes, et si cela était acceptable et intéressant dans certains cas, ce n’est pas de cette façon que la photographie peut le mieux s’exprimer. Il vous faut l’intégrer en vous familiarisant avec la riche et fantastique histoire de ce médium. Soyez fier de ce que la photo a pu et peut produire. N’essayez pas de réinventer l’eau chaude. Soyez inspiré. Essayez d’imiter, si ça vous tente (mais personne n’y arrivera).

Choisissez un sujet de prédilection. Quelque chose qui vous prend aux tripes. Quelque chose qui va chercher au fond de vous-même. Et armez-vous de patience.

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FRANCE. 2004. Paris. Palais Garnier. Rideau de scène.
 

Martin Parr

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Quand mon grand-père m’a prêté un appareil (c’était un amateur passionné) et que nous sommes partis ensemble faire des photos.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Trouvez quelque chose qui vous passionne, faites des photos de manière obsessionnelle avec du style et vous aurez potentiellement un grand projet.

 

Mikhael Subotzky

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Ma passion s’est révélée à l’occasion d’un voyage en Asie du Sud-Est à l’âge de 18 ans. Je m’étais alors acheté un reflex Nikon à pas trop cher et ai pensé que j’avais pris des photos extraordinaires. A mon retour, je les ai montrées à mon oncle (le photographe Gideon Mendel) qui les a regardées rapidement avec nonchalance comme si c’étaient des photos d’amateur (ce qu’elles étaient probablement !). En dépit de ma déception, j’avais attrapé le virus et me sentais condamné à continuer dans cette voie – j’imagine, dans la quête d’une sorte d’éveil d’interaction avec le monde que j’avais commencé à ressentir en prenant ces premières photos.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Accrochez vous dans le temps à un projet. Travaillez-y sans relâche au travers des différentes étapes de votre apprentissage de la photo, même si vous avez l’impression d’avoir épuisé le sujet. C’est la seule façon de percer ce qui, à mon avis, fait partie des leçons fondamentales indispensables pour apprendre la façon de raconter une histoire et d’organiser des images.

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AFRIQUE DU SUD. Le Cap. 2005. Des prisonniers dorment dans une cellule surpeuplée. Prison de haute sécurité de Pollsmoor.
 
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IRAN. Ramsar. Un couple se prend en photo avec leur téléphone mobile devant la mer Caspienne. 2007.

Olivia Arthur

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

La photographie a commencé à me passionner quand j’ai commencé à travailler pour un journal d’étudiants. En fait, j’étais simplement intéressée par le fait de prendre mes propres photos et de les voir sur papier. Il se passa un certain temps avant que je ne commence à entrevoir la photographie en grand et que je m’intéresse aux travaux d’autres photographes.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Mon principal conseil à de jeunes photographes qui finissent leurs études est de prendre leurs distances avec les « centres » de la photographie que sont Londres et New-York. Il y a tellement de photographes qui y mettent en avant leurs portfolios qu’ils finissent par se battre pour des postes dont ils ne veulent même pas, juste pour gagner leur croûte. Ce n’est pas le genre d’environnement propice à développer la créativité (au moins pour l’essentiel…). Mon conseil : partez et faites ce que vous avez envie de faire tant qu’il est encore temps… si vous ne prenez pas le risque tout de suite, ce sera beaucoup plus difficile de faire marche arrière et de réaliser ce genre de projet ultérieurement.

 

Paolo Pellegrin

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

J’étudiais l’architecture à Rome et je sentais que ça ne me convenait pas. C’est ainsi qu’à la même époque une école de photographie ouvrit ses portes et que je décidai de me rendre compte de ce qu’il en était. Quasiment immédiatement, et pour la première fois de ma vie, j’ai réalisé que ce médium pouvait représenter (devenir) la direction et le mode d’expression que je cherchais en vain depuis longtemps.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Je suis convaincu que la photographie – tout comme de nombreuses autres activités – est la traduction exacte de ce que nous sommes à un moment donné : chaque fois que vous composez une photo et que vous appuyez sur le déclencheur vous exprimez vos pensées et opinions sur le monde autour de vous. Alors, au-delà des indispensables patience (la photographie est un mode d’expression complexe, une voix qui demande du temps pour se forger), persévérance et humilité quand il s’agit d’affronter les autres, je conseillerais d’œuvrer pour devenir un individu plus mûr et au fait des choses, un citoyen plus informé et engagé. Ceci vous amènera à appréhender le monde autour de vous de manière plus approfondie et vous guidera vers une photographie plus riche et plus porteuse de sens.

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INDONESIE. Tsunami.
 
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FRANCE. Paris. 1981. "Salle Gaveau". Communauté juive. 33ème anniversaire de la création de l'Etat d'Israël. Mars 1981.

Patrick Zachmann

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Quand j’étais adolescent, mon frère aîné qui s’intéressait à la photographie – un oncle lui avait donné un agrandisseur en bois fait maison baptisé « Imperator » ainsi qu’un Rolleiflex qu’il avait rapportés d’Algérie – m’emmenait avec lui dans un club photographique appelé « 30×40 » (en rapport avec la taille des photos). Une fois par mois, un groupe de passionnés de photographie se réunissait à Paris pour échanger expériences, tuyaux et passion pour la photographie. Parmi eux, il y en avait un, très vieux jeu, qui vivait seul avec sa mère âgée. C’était un spécialiste de l’histoire de l’art et de la photographie. Chaque mois, il présentait une conférence sur un grand nom de la photographie. C’est ainsi que j’ai fait connaissance avec les grands de l’époque, dont certains étaient même invités. Un jour, il nous a présenté Diane Arbus et ce fut un choc. C’est probablement la première fois que je ressentis quelque chose d’intense – ou même que je fus réellement ému – par la photographie. Plus tard, mon frère abandonna la photographie – ce furent mes parents qui le dissuadèrent pour rechercher un « vrai » métier – tandis que m’engageai moi-même sur la voie affrontant ainsi mes parents.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Pour devenir photographe, il faut se battre ! Plus sérieusement, mon conseil à de jeunes photographes est de visiter les expositions, de lire, de se consacrer à un projet pour lequel ils pensent avoir une approche originale, parce qu’ils s’en sentent très proches et qu’ils éprouvent le besoin impérieux de s’exprimer et d’en comprendre les tenants et aboutissants.

En ce qui me concerne, tout comme pour Diane Arbus, la photographie est une expression de soi-même au travers des autres et l’inconscient d’une approche psychanalytique. Je voudrais répondre à une 3ème question qui est en rapport avec les 2 autres : pourquoi suis-je devenu photographe ? Simplement parce que je n’ai pas de mémoire. Je ne m’en suis aperçu qu’au bout d’un certain temps au travers de mes recherches personnelles (« Enquête d’identité » ou « Un juif en quête de son passé », « Chili, les routes de la mémoire », « La mémoire de mon père »… je recherchais les photos « manquantes ». Lorsque j’ai écrit mon livre « Enquête d’identité », j’ai découvert que ma tante – la sœur de mon père qui avait survécu aux camps de concentration – avait chez elle une photo des mes grands-parents qui furent déportés et moururent à Auschwitz et que mon père ne nous avait jamais montrée. Grâce à la photographie, j’ai pu faire connaissance avec les parents de mon père. Voilà ce que j’aime dans la photographie. Cela m’aide à comprendre qui je suis et à appréhender le passé par le présent.

 

Peter Marlow

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Vers l’âge de 9 ans, on me donna une sorte d’agrandisseur horizontal qui ressemblait à un assemblage de vieilles boîtes de conserve avec une grosse loupe. J’entrepris avec un ami de l’installer dans la cave et c’est ainsi que furent réalisées mes premières photos, d’environ 5 centimètres de côté, dans une complète obscurité car nous n’avions pas de lampe torche. La cave en question hébergeait l’armoire à vin que mon père avait fabriquée, si bien que plus nous y restions longtemps dans l’humidité et le froid, plus notre niveau d’ébriété augmentait ! J’ai récemment rencontré à Barcelone un jeune reporter-photographe et, en échangeant avec lui, j’ai réalisé qu’il n’avait jamais utilisé de pellicule.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Soyez vous-même, levez-vous de bonne heure, ne soyez pas dans l’excès, car quoique ce soit que vous essayez de produire finira par sortir de soi-même. Apprenez à faire confiance à votre intuition, oubliez ce que les autres peuvent penser et ne vous focalisez pas trop que la technique. Travaillez dur mais prenez du plaisir.

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G.B. ANGLETERRE. Margate. Image d'une station balnéaire anglaise typique. 2002.
 
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INDE. Jodhpur. 2007.

Steve McCurry

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Dans le cadre de mes études universitaires de cinéma, j’eus l’occasion de suivre un cours de photographie artistique qui me permit de découvrir les œuvres de Dorothea Lange, Henri Cartier-Bresson et Walker Evans. C’est ce qui déclencha mon passage du film à la photographie.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Si vous voulez devenir photographe, vous devez faire des photos. Si vous observez les œuvres des photographes que vous admirez, vous constaterez qu’ils ont trouvé un lieu ou un sujet spécifique et qu’ils l’ont exploité en profondeur pour en ressortir quelque chose d’original. Ceci implique beaucoup d’investissement personnel, de passion et de travail.

 

Stuart Franklin

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Quand j’ai acheté d’occasion un appareil reflex à double objectif à Victoria, en Colombie Britannique, et que je suis parti en stop découvrir le Mexique et l’Amérique du Sud à l’âge de 19 ans.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Suivez votre inspiration et n’abandonnez jamais.

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GB. ANGLETERRE. Newcastle. Whitby Bay. 2002.
 
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USA. El Bordo. Californie. 1989. Frontière américano-mexicaine. 2 heures du matin. Arrestation de travailleurs sans papiers par la police américaine des frontières.

Susan Meiselas

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Je crois que ma passion pour la photographie remonte à l’époque où j’ai rencontré les Carnaval Strippers et me suis retrouvée dans la peau d’un reporter avec un appareil photo et un magnétophone…

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Foncez, suivez votre instinct et faites confiance à votre curiosité.

 

Thomas Dworzak

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Dans mon enfance, quand j’essayais de faire des gros plans de sauterelles. Plus tard, vers 15 ans, quand je me suis précipité vers un policier arrêtant un activiste qui s’était enchaîné au bâtiment d’un journal et la même année où je me suis retrouvé au milieu d’une manifestation en Pologne. L’adrénaline montait, l’appareil photo était une excuse me servant en même temps de bouclier.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Essayez de vivre quelque chose d’intense chez vous, à l’étranger… peu importe. Il faut que cela déchaîne la passion. Et quand vous avez maîtrisé les bases de la technique, oubliez que vous faites de la photographie.

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RUSSIE. Tchéchénie. 09/1994. Montagnes du Kazbeg.
 
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USA. Brooklyn, New York. 11 Septembre 2001. Des jeunes gens se reposent pendant la pause déjeuner le long de l'East River tandis qu'une énorme colonne de fumée s'échappe de Lower Manhattan après l'attaque du World Trade Center.

Thomas Hoepker

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

Mon grand-père me fit cadeau de sa vieille chambre de 9×12 cm quand j’avais 14 ans. Je l’ai toujours conservée. Elle est équipée d’un soufflet noir et d’une lentille ronde en verre (malheureusement cassée). Il était difficile de faire de la photo avec cet appareil mais il s’en dégageait une magie toute particulière. Et j’en aimais aussi beaucoup l’odeur. Il fallait utiliser un trépied et un drap noir pour faire le point, puis insérer une cassette contenant une plaque de verre sensible à la lumière. Aujourd’hui, j’utilise des appareils numériques comme tout le monde, mais en dépit de toute leur technologie, il leur manque la magie et l’excitation de ce monstre des temps anciens.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Evitez les écoles et cours de photographie. La plupart vous développeront de grandes idées et canaliseront votre pensée dans une seule direction. Trouvez votre propre voie, personne ne vous demandera un jour si vous avez un diplôme. Visitez tous les musées. Les images que vous y verrez (peintures, dessins, gravures ou photographies) vous accompagneront toute votre vie. Elles vous aideront à découvrir les bonnes images de la vraie vie. Oubliez toute ambition déplacée de devenir un grand artiste. Etre un bon photographe est déjà bien assez difficile.

 

Trent Parke

A quel moment la photographie a-t-elle commencé à vous passionner ?

La première fois que j’ai vu une image apparaître comme par magie dans un bain de révélateur dans la buanderie chez mes parents, transformée en chambre noire, quand j’avais 12 ans.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes photographes ?

Photographiez ce qui est le plus près de vous et ce que vous aimez et ce qui vous intéresse. Prenez-y autant de plaisir que possible et simplifiez vous la tâche au maximum.

Magnum JeanClaudeM jcm-photo
AUSTRALIE. Gold Coast. Broadbeach. 2006.
 

J’espère que ce tour d’horizon vous a permis de découvrir ou d’approfondir votre connaissance de références dans le monde de la photographie, de découvrir ou d’approfondir votre façon de faire de la photographie.

En ce qui me concerne et depuis cet exercice, mon approche de la photographie est différente et je continue chaque jour d’explorer de nouvelles voies.